Traitement pour un chat PIF très cardiaque

Chat - femelle - 4 ans - 4,3 kg

Anamnèse

Chat diagnostiqué PIF par PCR via ponction en chambre antérieur, suite présence d'une uvéite + décollement de rétine. Reçoit maxidrol 4fois/ j dans l'oeil atteint Suivi pour souffle cardiaque également

Examen clinique à l’arrivée

Traitement au GS-441524 depuis 1 mois avec 1 injection par jour “soi-disant” à la dose max (je n’ai pas accès à cette dose précisément car produit délivré par une association).
Amélioration clinique avec reprise de poids et d’activité ; œil mieux puis rechute récente, cf. photo.

Écho cardio il y a 1 an : phénotype CMH sans autre cause identifiée (AG/AO à 1,3 – épaisseur myocardique entre 0,7 et 1 cm – bourrelet aortique avec éjection aortique accélérée à 4 m/s : mise en place de Bénéfortin 2,5 mg/j + clopidogrel 1/4/j (ce traitement a réellement été suivi depuis 1 mois en fait).
Écho cardio ce jour : aggravation ++ avec AG/AO = 2,55 (le reste est identique) – pas de troubles du rythme, pas de volutes pré-thrombotiques, bonne contractilité générale et de l’oreillette G également.

Examen_2023-12-22
Examen_2023-12-27

Questions

- Que pensez-vous de l'œil ? Faut-il compléter le traitement par rapport au Maxidrol ?

- Que pensez-vous du cœur ? Le traitement contre la PIF ou la PIF elle-même ont-ils pu aggraver les choses ? Faut-il modifier la prise en charge ? Devrait-on augmenter la dose de Bénéfortin ? J'ai ajouté des omégas 3 mais je ne vois pas trop quoi faire de plus (pas de décompensation cardiaque à ce stade).

- Que pensez-vous de la prise en charge de la PIF ? Une biochimie + une NFS ont été faites il y a une quinzaine de jours, je dirais : urée majorée (créatinémie stable dans les normes) - anémie normocytaire normochrome modérée mais bien présente. Je vais mettre les valeurs (notamment albumine, me semble normale de mémoire)... en PJ. Un dosage SAA serait-il pertinent ? Autre chose ? Un dosage des marqueurs cardiaques ? Il faudrait clairement avoir accès à la dose de produit injecté. Faut-il administrer plus de 4 mg/kg (que je pense être la dose théorique) par rapport à cette forme oculaire qui semble rechuter ?

En fait, je "récupère" le cas au travers de mon contrôle échocardiographique, d'où quelques imprécisions dans la présentation de ce cas.

En vous remerciant par avance,

CARDIOLOGIE - MÉDECINE INTERNE - OPHTALMOLOGIE

DV François Serres

Expert : Cardiologie

Diplôme : DESV Cardiologie

Par rapport à l’œil, je ne recommanderais pas de traitement intra-oculaire sans avoir à minima une pression intra-oculaire, mais l’uvéite semble encore majeure et le traitement est a priori insuffisant.

Pour le cœur, il n’y a a priori pas de risque que le GS-441524 ait eu un impact sur le cœur, même si nous ne disposons pas de données complètes de toxicité considérant que la molécule n’est pas disponible officiellement. Il y a des cas de myocardite liée à la PIF, donc une PIF non contrôlée peut théoriquement majorer une CMH préexistante. Le bénéfice du benazepril lors de CMH est très discutable, et le consensus ACVIM ne le recommande à aucun stade de la maladie, même s’il n’est pas “défavorable” au patient. Je recommanderais un suivi de la fréquence respiratoire et la prescription de furosémide à avoir au domicile “par précaution”. En l’absence d’autres examens, la prescription de clopidogrel à ce stade est la seule qui s’impose.
Une dose plus forte de 5 à 10 mg/kg/j est recommandée pour les formes neurologiques et doit être envisagée en l’absence de réponse satisfaisante. Le SAA peut aider à suivre la maladie, le BNP est moins intéressant. En l’absence d’amélioration rapide, voire dégradation oculaire malgré une dose plus forte de GS-441524, le pronostic devient très réservé car ce chat ne donne pas très envie de le mettre sous corticoïde…

Merci beaucoup pour votre retour très précis 🙂

DV Julien Bazelle

Expert : Médecine interne

Diplôme : European College of Veterinary Internal Medicine

Je viens de regarder les résultats sanguins et ils ne sont pas spécifiques. Ils peuvent tout à fait coller avec une PIF, surtout si elle est localisée, mais il n’y a pas d’hyperglobulinémie ou d’hypoalbuminémie franche. L’anémie est bénigne pour un chat, mais un suivi de l’hématocrite est à conseiller. Je ne pense pas que réaliser d’autres tests sanguins changerait la prise en charge de ce cas.

 

La dose recommandée de remdesivir/GS-441524 est de 15 mg/kg par jour pour une période de 84 jours, pour un chat atteint de PIF oculaire. C’est plus que les formes abdominales pour lesquelles on utilise une dose de 10 mg/kg, mais autant que pour les formes neuro. Nos ophtalmologues sont très satisfaits de ce protocole, avec de nombreux chats en complète rémission après seulement quelques semaines.

 

À ma connaissance, il n’existe pas de cas décrits dans la littérature de cardiopathie iatrogène lors de l’utilisation du remdesivir/GS-441524. Des cas d’épanchement pleural ont été décrits après avoir commencé le traitement avec ces molécules. L’origine de cet épanchement reste pour le moment indéterminée. Il est possible qu’un épanchement qui s’est depuis résorbé conduise à une détérioration de la fonction cardiaque, mais je trouve surprenant qu’aucun signe clinique, notamment une tachypnée, n’ait été observé si c’est le cas.

 

François a déjà répondu pour le traitement cardiaque. Je vais laisser les ophtalmologues donner leur opinion sur le traitement de l’uvéite, car je suis un peu dépassé sur ce sujet.

Super ! Merci beaucoup pour votre retour ! 

DV Thierry Azoulay

Expert : Ophtalmologie

Diplôme : DESV Ophtalmologie

Bonjour,
Lors de PIF, l’uvéite est souvent très difficile à contrôler, surtout s’il y a une atteinte du segment postérieur. Le DR est exsudatif et peut parfois être réduit si le liquide sous-rétinien ne se forme plus : il est alors drainé par l’épithélium pigmentaire. Cela n’est possible que s’il n’y a pas de trou ou de déchirure dans la neuro-rétine ou encore de brides vitréo-rétiniennes. Pour cela, il faut contrôler l’inflammation et cela passe par l’administration de corticoïdes : la fréquence d’instillation du Maxidrol peut être doublée en l’absence de contre-indications (ulcère cornéen). S’agissant de l’utilisation des anti-inflammatoires par voie générale, je me réfère à une récente publication de :
Viruses. 2023 Aug 31;15(9):1847
“Feline Infectious Peritonitis: European Advisory Board on Cat Diseases Guidelines”, dont je te recommande la lecture. 

 

En voici un extrait :
La réponse curative observée chez les 18 chats traités par GS-441524 oral était remarquable, le suivi le plus court étant de 99 jours après l’achèvement du traitement de 84 jours. Tous les chats ont été hospitalisés pendant les huit premiers jours du traitement, et les soins vétérinaires intensifs fournis (par exemple, thérapie intraveineuse [IV], stimulants de l’appétit, antiémétiques, analgésiques) pourraient avoir contribué au taux de succès élevé, soulignant l’importance de l’implication vétérinaire dans les soins des chats malades atteints de PIF.”


A priori, l’intérêt d’utiliser les corticoïdes par voie générale n’est pas validé pour l’instant et on leur préfère les AINS dans la mesure où ils ne sont pas contre-indiqués (IR, HTA…).


Cette dernière recommandation a été faite en raison d’un meilleur taux de succès (92 % ; 11/12) chez les chats qui n’avaient pas reçu de prednisolone par rapport à ceux qui en avaient reçu (44 % ; 11/25) ; divers autres traitements ont également été administrés à ces chats. Malgré cela, les effets indésirables des AINS doivent être pris en compte, c’est-à-dire que la pression artérielle et la fonction rénale doivent être adéquates, et le chat doit manger avant de recevoir des AINS.

Ils insistent aussi sur la nécessité de prolonger parfois le traitement au-delà de la durée recommandée initialement.

Voici ce que j’ai trouvé dans la littérature. Malheureusement, mon expérience clinique n’est ici pas suffisante.


Bon courage !

En résumé, pour être sûre :

– donner le plus possible de Maxidrol par voie locale (en l’absence d’ulcère)

– ajouter des AINS (tout le temps du traitement au GS ?) – avec son cœur très modifié, cela tombe bien de préférer les AINS…

– vérifier la bonne posologie de GS-441524 pour la forme oculaire

 

L’aggravation apparente de l’uvéite donne-t-elle l’impression d’une rechute ?

 

Un grand merci pour ce retour complet

DV Thierry Azoulay

Expert : Ophtalmologie

Diplôme : DESV Ophtalmologie

En tout cas, je prolongerais le traitement si c’est possible.

Merci bien ! Bonne journée 🙂